Auteur de "Victory Through Air Power"
(Reader's Digest,
Février 1946, pages 121 to 126)
En tant que
Consultant Spécial auprès du Ministre de la Guerre, le juge Robert P.
Patterson, j’ai passé presque huit mois à étudier intensément les destructions
causées par la guerre en Europe et Asie. Je me suis familiarisé avec tous les
types de dégâts – dus aux explosifs à haut gradient, aux bombes incendiaires,
aux obus d’artillerie, à la dynamite, et à des combinaisons de ceux-ci.
Dans cette étude, j’inspecte Hiroshima et Nagasaki, les cibles de nos bombes atomiques, examinant les ruines, interrogeant les témoins oculaires, et prenant des centaines de clichés.
C’était mon
opinion, ai-je déclaré à des correspondants à Tokyo, que les effets des bombes
atomiques – pas des bombes futures, mais de ces deux-là – avaient été largement
exagérés. Si elles avaient été larguées sur New York ou Chicago, l’une de ces
bombes n’aurait pas causé plus de dommages qu’une bombe blockbuster de dix tonnes ; et les résultats à Hiroshima
et Nagasaki auraient pu être atteints par environ 200 B-29 chargés de bombes
incendiaires, sauf que dans ce cas-là moins de Japonais seraient morts. Je n’ai
pas « sous-estimé » les bombes atomiques ni nié leur futur potentiel.
J’ai simplement présenté mes conclusions sur les dommages physiques causés par
les deux bombes – et il se trouve que ces dommages contrastaient du tout au
tout d’avec les versions hystériques répandues à travers le monde.
Mes résultats
furent assaillis avec une colère viscérale par toutes sortes de gens, dans la
presse, à la radio, dans des conférences publiques ; et par des
scientifiques qui n’avaient jamais mis les pieds à moins de 8.000 km
d’Hiroshima. Mais la violence de cette réaction ne peut changer les faits à
disposition dans les deux villes.
J’ai commencé mon
étude du Japon en survolant Yokohama, Nagoya, Osaka, Kobe, et des douzaines
d’autres lieux. Plus tard je les ai tous visités à pied.
Tous présentaient
les mêmes thèmes. Les zones bombardées avaient une teinte rosâtre – un effet
causé par les monticules de cendres et de gravats mélangés à du métal rouillé.
Les bâtiments modernes et les usines étaient toujours debout. Le fait que
nombre d’immeubles aient été vidés de l’intérieur par des incendies n’était pas
apparent depuis le ciel. Le centre de Yokohama, par exemple, semblait presque
intact vu d’avion. La longue ceinture industrielle s’étendant d’Osaka à Kobe
avait été réduite à néant par le feu, mais les usines et autres structures en
béton étaient toujours en plan. Dans l’ensemble c’était une vision très
différente de ce que j’avais vu dans les villes allemandes sujettes à des
bombardements de démolition. La différente résidait dans le fait que la
destruction au Japon était dans une très large mesure de type incendiaire, avec
comparativement peu de dégâts structuraux sur les cibles ininflammables.
À Hiroshima je
m’étais préparé à des visions radicalement différentes. Mais, à ma grande
surprise Hiroshima ressemblait exactement à toutes les autres villes
japonaises rasées par les flammes.
Il y avait une
teinte rosâtre familière, d’environ 3,2 km de diamètre. Elle était parsemée
d’arbres et de poteaux téléphoniques calcinés. Seul l’un des vingt ponts de la
ville s’était effondré. Les groupements
d’immeubles modernes d’Hiroshima dans le centre-ville étaient debout.
Il était évident
que l’explosion ne pouvait pas avoir été si puissante que l’on avait été amené
à le croire. L’explosion était plutôt extensive qu’intensive.
J’avais entendu
parler d’immeubles instantanément consumés par une chaleur sans précédent.
Pourtant ici je voyais ces buildings structurellement intacts, et, qui plus
est, à leur sommet se trouvaient des mâts de drapeaux intègres, des
paratonnerres, des balustrades peintes, des panneaux de signalisation en cas de
raids aériens et autres objets comparativement fragiles.
Au pont en forme
de T, la cible même de la bombe atomique, j’ai cherché le « point
dénudé » où tout avait supposément été vaporisé en un clin d’œil. Il
n’était ni là ni ailleurs. Je n’ai pu détecter aucune trace de phénomène
inhabituel.
Ce que j’ai vu en
revanche était essentiellement une réplique de Yokohama ou Osaka, ou des faubourgs
de Tokyo – le tristement célèbre résidu d’une zone faite de bois et maisons en
briques rasées par un feu incontrôlable. Partout j’ai vu les troncs d’arbres
calcinés et dénués de feuilles, des morceaux de bois brûlés ou pas. Le feu
avait été suffisamment intense pour plier et tordre des poutres métalliques et
pour faire fondre du verre jusqu’à ce qu’il coule tel de la lave – tout comme
dans les autres villes japonaises.
Les immeubles en
béton les plus proches du centre de l’explosion, certains à seulement quelques
pâtés de maisons du cœur de l’explosion atomique, ne montraient aucun dommage
structurel. Même les corniches, les auvents et autres décorations d’extérieur
délicates étaient intactes. Le verre des vitres s’était cassé, bien évidemment,
mais les encadrements à un seul panneau avaient tenu le coup ; seuls les
encadrements des fenêtres avec deux panneaux ou plus s’étaient pliés et
affaissés. L’impact de l’explosion n’aurait par conséquent pas pu être
hors du commun.
Puis j’ai
interrogé beaucoup de personnes qui étaient à l’intérieur de tels bâtiments
quand les bombes ont explosé. Leurs descriptions correspondent aux dizaines et
dizaines de récits que j’avais entendus de gens coincés dans des immeubles en
béton dans des zones touchées par des blockbusters. L’immeuble de la presse à
Hiroshima, avec ses dix étages, à environ trois pâtés de maisons du centre de
l’explosion, avait été sévèrement touché par un incendie à la suite de
l’explosion, mais n’affichait pas d’autre dégât. Les gens piégés dans le
bâtiment n’ont pas souffert de quelconques effets inhabituels.
La plupart des
encadrements de vitres furent soufflés à l’hôpital d’Hiroshima, à environ 1,6
km du cœur de l’explosion. Mais du fait qu’il n’y avait aucune structure en
bois à proximité, il a échappé aux flammes. Les gens à l’intérieur de l’hôpital
ne furent pas sérieusement affectés par l’explosion. En général les effets ici
furent analogues à ceux produits par l’explosion distante d’une bombe à la TNT.
Le nombre total
de morts, la destruction et l’horreur à Hiroshima étaient aussi grandes que
décrites. Mais la nature des dégâts n’était absolument pas unique ;
l’explosion et la chaleur n’étaient pas non plus si terribles qu’on le suppose
généralement.
À Nagasaki, les immeubles en béton furent vidés de
l’intérieur par le feu mais se tenaient toujours debout.
Tout le centre de
Nagasaki, bien que majoritairement composé de constructions en bois, a survécu
pratiquement sans subir de dégâts. On expliqua qu’apparemment ce centre avait
été protégé de l’explosion par l’interposition de collines. Mais une autre
partie de Nagasaki, en ligne directe et sans obstacles du centre de l’explosion
et non protégée par des collines, a également échappé à une destruction sévère.
L’explosion de Nagasaki s’était virtuellement dissipée du temps qu’il en fallut
pour qu’elle atteigne cette zone. Quelques maisons s’effondrèrent mais aucune
ne prit feu.
Toutes les
destructions à Nagasaki ont été attribuées par le public à la bombe atomique.
En réalité, la ville avait été lourdement bombardée si jours plus tôt. La
fameuse usine Mitsubishi fut sévèrement punie par huit impacts d’explosifs à
haut gradient.
Que s’est-il
réellement passé à Hiroshima et Nagasaki ? Il y a très peu d’indices d'incendie direct ; c.-à-d., d’un feu alimenté par la chaleur de l’explosif
lui-même. La bombe a apparemment explosé trop en altitude par rapport au sol
pour cela. Si la température à l’intérieur de la zone d’explosion d’une bombe
atomique est extrêmement élevée (et les effets des bombes du Nouveau Mexique
semblent indiquer cela) alors la chaleur doit s’être dissipée dans l’espace. Ce
qui a frappé Hiroshima était l’explosion.
C’était comme si une
immense tapette à mouches de 3,2 km de largeur avait frappé une cité de frêles maisons
en bois à moitié pourries et des bâtiments en briques branlants. Elle les a
aplatis d’un seul coup, enterrant peut-être 200.000 personnes sous les gravats.
Son efficacité fut accrue par l’incroyable fragilité de la plupart des
structures japonaises, faites de poutres en bois de 5 cm par 10 cm, rongées par
les termites et la pourriture cubique, et mal équilibrées à cause d’épaisses
tuiles de toiture.
Les lattes en
bois des maisons effondrées étaient empilées comme autant de bois de chauffe
dans la cheminée. Les feux démarrèrent en même temps dans des milliers d’endroits,
dû à des courts-circuits, des cuisinières renversées, des lampes à pétrole et
des conduites de gaz rompues. Toute la zone s’est retrouvée dans un immense bûcher.