[…]
1960 : un
jeune astrophysicien nommé Frank Drake dirige un projet de deux semaines
intitulé Ozma, afin de détecter des signaux extra-terrestres. Un signal est
reçu, déclenchant l’exubérance générale. Il se trouve que c’était une erreur,
mais l’exubérance a perduré. En 1960, Drake organise la première conférence
SETI [Recherche d’Intelligence ET],
et pondit la fameuse équation éponyme :
N=N*fp ne fl fi fc fL
N est le nombre
d’étoiles dans la galaxie ; fp est la fraction comptant des
planètes ; ne est le nombre de planètes par étoile capable de maintenir la
vie ; fl est la fraction des planète où la vie évolue ; fi est la
fraction où une vie intelligente évolue ; fc est la fraction capable de
communiquer ; et fL est la fraction de la durée de vie de la planète
pendant laquelle les civilisations communicantes existent.
Cette équation à
l’air sérieux a fourni à SETI une
crédibilité quant à une investigation intellectuelle légitime. Le problème est,
bien évidemment, qu’aucun de ces termes ne peut être connu, et la plupart ne
peuvent même pas être estimés. La seule façon pour l’équation de fonctionner
c’est en remplaçant les inconnues par des estimations. Et des estimations – que
ce soit clair – sont simplement des expressions de préjudices. Il ne peut non
plus y avoir « d’estimation logique. » Si vous devez établir combien
de planètes abritant de la vie décident de communiquer, il n’y a tout simplement
aucun moyen de faire une estimation crédible. C’est purement un préjudice.
Par conséquent,
l’équation de Drake peut prendre n’importe quelle valeur entre « des
milliards de milliards » et zéro. Une expression qui peut vouloir tout
dire ne veut rien dire. Pour parler sans détour, l’équation de Drake n’a
littéralement aucun sens, et n’a rien à voir avec la science. J’adopte le point
de vue rigide affirmant que la science implique la création d’hypothèses
testables. L’équation de Drake ne peut être testée et par conséquent SETI n’est
pas de la science. SETI est sans aucun doute une religion. La foi est définie
comme la croyance ferme en quelque chose pour lequel il n’existe pas de preuve.
La croyance que le Coran est le verbe de Dieu est une question de foi. La
croyance que Dieu a créé l’univers en sept jours est une question de foi. La
croyance qu’il y a d’autres formes de vie dans l’univers est une question de
foi. Il n’existe pas la moindre preuve qu’aucune autre forme de vie
intelligente n’existe, et en quarante ans de recherche, aucune n’a été
découverte. Il n’y a absolument aucune raison appuyée par des preuves de
maintenir cette croyance. SETI est une religion.
[…]
Le fait que
l’équation de Drake n’ait pas été accueillie avec les cris d’orfraie – similaires
à ceux poussés à chaque nouvelle sortie créationniste par exemple – signifie
qu’il y a désormais une faille dans l’armure, un relâchement de la définition
de ce qui constitue une procédure scientifique légitime. Et très vite, les
foutaises pernicieuses ont commencé à s’infiltrer à travers ces failles.
Sautons
maintenant une décennie pour arriver aux années 1970 et à l’Hiver Nucléaire.
En 1975,
l’Académie Nationale des Sciences a pondu un rapport sur « Les Effets
Mondiaux à Long Terme de l’Explosion de Multiples Armes Atomiques, » mais
le rapport estimait l’effet de la poussière soulevée par des explosions
nucléaires comme étant relativement marginal. En 1979, le Bureau d’Évaluation
de la Technologie publia un rapport sur « Les Effets d’une Guerre Nucléaire »
et affirma qu’une telle guerre pouvait éventuellement produire des conséquences
néfastes irréversibles sur l’environnement. Cependant, comme les processus
scientifiques impliqués étaient mal compris, le rapport expliquait qu’il
n’était pas possible d’estimer la magnitude probable de tels dégâts.
Trois ans plus
tard, en 1982, l’Académie Suédoise des Sciences commissionna un rapport
intitulé « L’Atmosphère à la Suite d’une Guerre Nucléaire : Le
Crépuscule à Midi, » qui tentait de quantifier l’effet de la fumée
produite par des forêts et des villes en proie aux flammes. Les auteurs
spéculaient qu’il y aurait tant de fumée qu’un gigantesque nuage au-dessus de
l’hémisphère nord réduirait la lumière solaire entrante en-dessous du niveau
requis pour la photosynthèse, et que cela durerait pendant des semaines voire
plus.
L’année suivante,
cinq scientifiques dont Richard Tuco et Carl Sagan publiaient un document dans
la revue Science intitulé
« L’Hiver Nucléaire : Conséquences Globales de Multiples Explosions
Nucléaires. » C’était le soi-disant rapport TTAPS, qui tentant de
quantifier de manière plus rigoureuse les effets atmosphériques, avec la
crédibilité supplémentaire acquis par l’utilisation d’un vrai modèle
informatique du climat.
Le cœur de
l’accomplissement du TTAPS consistait en une autre équation, jamais exprimée
spécifiquement, mais que l’on pourrait paraphraser comme tel :
Ds = Wn Ws Wh Tf Tb Pt Pr Pe…… etc
(La quantité de
poussière de la troposphère = le nombre d’ogives x la taille des ogives x l’altitude
de détonation des ogives x l’inflammabilité des cibles x la durée d’incendie
des cibles x les particules pénétrant la troposphère x la réflexivité des
particules x l’endurance des particules… etc.)
La similarité
avec l’équation de Drake est frappante. Comme pour cette dernière, aucune des
variables ne peut être déterminée. Aucune. L’étude TTAPS s’attaquait à ce
problème en partie en imaginant plusieurs scénarios et en attribuant des
nombres à certaines de ces variables, mais même ainsi, les variables restantes
étaient – et restent – tout simplement inconnaissables. Personne ne sait quelle
quantité de fumée sera générée quand les villes seront en feu, émettant quels
types de particules, et pour combien de temps. Personne ne connaît les effets
du climat local, ou la quantité des particules qui seront injectées dans la
troposphère. Personne ne sait combien de temps les particules resteront dans la
troposphère. Etc.
Et rappelez-vous,
ceci date d’à peine quatre ans après que l’étude de l’OTA a conclu que les
processus scientifiques sous-jacents étaient trop mal connus pour permettre des
estimations fiables. Quand bien même, l’étude TTAPS non seulement fait de
telles estimations, mais conclut qu’elles étaient catastrophiques.
D’après Sagan et ses
camarades de travail, même un échange nucléaire limité de 5.000 mégatonnes causerait
une chute globale de la température de plus de 35 degrés centigrades, et ce
changement durerait trois mois. Les plus formidables éruptions volcaniques dont
nous avons la trace ont affecté les températures mondiales dans un ordre de 0,5
à 2 degrés centigrades. Les âges de glace ont affecté les températures globales
de 10 degrés. Ici nous sommes face à une estimation trois fois plus grande que
n’importe quel âge de glace. On pourrait s’attendre à ce que ce résultat prête
à controverse.
Mais Sagan et ses
camarades de travail étaient préparés, car l’hiver nucléaire fut dès le départ
le sujet d’une campagne médiatique magistralement orchestrée. La première
annonce d’un hiver nucléaire parut dans un article de Sagan dans le supplément
du dimanche, Parade. Le jour suivant, une conférence de haut vol, bénéficiant
d’une large publicité, sur les conséquences à long terme d’une guerre
nucléaire, se tint à Washington, présidée par Carl Sagan et Paul Ehrlich, les
scientifiques les plus célèbres et les mieux rôdés aux médias de leur
génération. Sagan fut invité sur le plateau de l’émission de Johnny Carson 40
fois. Ehrlich, 25. À la suite de la conférence, il y eut des conférences de
presse les réunions avec des membres du Congrès, etc. Les études officielles
publiées dans Science le furent des mois plus tard.
Ce n’est pas
ainsi que la science fonctionne, mais c’est ainsi que les produits sont vendus.
La véritable
nature de la conférence est révélée par les visions d’artistes des effets d’un
hiver nucléaire.
Je ne peux
m’empêcher de citer la légende de l’illustration n°5 : « Montrée ici
est une scène tranquille dans les bois septentrionaux. Un castor vient de
terminer son barrage, deux ours noirs sont en quête de nourriture, un papillon
à queue d’hirondelle volette au premier plan, un huard nage paisiblement, et un
martin-pêcheur guette un gouteux poisson. » De la science concrète comme
jamais.
Lors de la
conférence à Washington, au cours des questions-réponses, on rappela à Ehrlich
qu’après Hiroshima et Nagasaki, les scientifiques avaient affirmé que rien n’y
pousserait pendant 75 ans, et pourtant des melons y ont poussé l’année
suivante. Alors, lui demanda-t-on, quelles est la précision exacte de ses
travaux ?
Ehrlich répondit
en disant : « Je pense qu’ils sont extrêmement robustes. Les
scientifiques ont pu faire de telles affirmations, bien que je ne puisse
imaginer quel eut été leur fondement pour cela, même vu l’état de la science à
ce moment, mais les scientifiques sortent toujours des affirmations absurdes,
individuellement, en divers endroits. Ce que l’on fait ici, en revanche, est de
présenter un consensus d’un vaste groupe de scientifiques… »
Je veux faire une
pause ici et parler de cette notion de consensus, et de la montée de ce qu’on a
appelé la science du consensus. Celle-ci est à mon avis un développement
extrêmement pernicieux qui devrait être stoppé sur le champ. Historiquement
parlant, l’affirmation d’un consensus a été le premier refuge des
scélérats ; c’est une manière d’éviter le débat en prétendant que le sujet
est déjà clos. Chaque fois que vous entendez dire qu’un consensus de
scientifiques est d’accord sur un sujet ou un autre, cachez votre portefeuille
parce que vous êtes en train de vous faire arnaquer.
Soyons
clairs : le travail de la science n’a absolument rien à voir avec un
quelconque consensus. Le consensus est le ressort du politique. La science, au
contraire, ne requière qu’un seul chercheur qui ait raison, autrement dit qu’il
ou elle a obtenu des résultats qui sont vérifiables dans le monde réel. Dans la
science le consensus est hors de propos. Ce qui l’est en revanche ce sont les
résultats reproductibles. Les plus grands scientifiques de l’histoire sont
grands justement parce qu’ils se sont affranchis du consensus.
Il n’existe rien
de tel qu’une science du consensus. S’il y a consensus, ce n’est pas de la
science. Si c’est de la science, ce n’est pas un consensus. Point barre.
Laissez-moi vous
remettre en mémoire que les résultats du consensus n’ont rien de glorieux.
Passons en revue
quelques exemples.
Dans les siècles
passés, la principale cause de mortalité chez les femmes était la fièvre
puerpérale suivant l’accouchement. Une femme sur six en mourait. En 1795,
Alexander Gordon d’Aberdeen suggéra que les fièvres étaient des processus
infectieux, et il était capable de les guérir. Le consensus dit non. En 1843,
Oliver Wendell Holmes affirma que la fièvre puerpérale était contagieuse, et
avança des preuves accablantes. Le consensus dit non. En 1849, Semmelweis
démontra que des techniques sanitaires éliminaient pour ainsi dire purement et
simplement la fièvre puerpérale dans les hôpitaux où il officiait. Le consensus
l’ignora et le renvoya. Il n’y avait en fait aucun accord sur la fièvre
puerpérale avant le début du XXème siècle. Ainsi le consensus mit 125 ans pour
en arriver à la conclusion correcte en dépit des efforts de
« sceptiques » proéminents du monde entier, des sceptiques qui furent
méprisés et ignorés. Et en dépit également du nombre régulier de mortes chez
les femmes.
[…]
Ce que je suggère
ici c’est que l’hiver nucléaire était une équation sans queue ni tête, pondue
par une mauvaise science à des fins politiques. C’était de la politique du
début à la fin, promue par une campagne médiatique bien huilée qui avait dû
être planifiée des semaines voire des mois à l’avance.
Des preuves
supplémentaires de la nature politique du projet tout entier peuvent être
trouvées dans les réponses apportées aux critiques. Bien que Richard Feynman
ait été particulièrement direct, disant, « Je ne pense vraiment pas que
ces types savent de quoi ils parlent, » d’autres scientifiques importants
étaient visiblement réticents. On rapporta que Freeman Dyson déclara
« C’est un morceau de science absolument horrible mais…qui veut être
accusé d’être en faveur d’une guerre nucléaire ? » Et Viktor Weisskopf
dit, « La science est pitoyable mais peut-être la psychologie est-elle
bonne. » La joyeuse équipe de l’hiver nucléaire répondit à la publication
de tels commentaires par des lettres aux directeurs de publication niant que de
telles affirmations avaient jamais été faites, bien que les scientifiques aient
par la suite confirmé leurs opinions.
À l’époque, il
existait un désir commun de la part de beaucoup de gens d’éviter une guerre
nucléaire. Si l’hiver nucléaire paraissait si redoutable, pourquoi enquêter
plus avant ? Qui aurait voulu ne pas être d’accord ? Seulement des
personnes telles que Edward Teller, le « père de la bombe H. »
Teller déclara,
« S’il est généralement reconnu que les détails sont encore incertains et
méritent beaucoup plus d’études, le Dr. Sagan a néanmoins adopté la position
consistant à dire que le scénario dans son ensemble est tellement robuste qu’il
y a peu de doutes quant aux conclusions principales. » Pourtant pour la
plupart des gens, le fait que le scénario de l’hiver nucléaire soit si criblé
d’incertitudes ne semblait pas être pertinent.
Je dis que c’est
extrêmement pertinent. Une fois que vous abandonnez l’adhérence stricte à ce
que la science nous dit, une fois que vous commencez à arranger la vérité dans
une conférence de presse, alors tout devient possible. Dans un contexte,
peut-être obtiendrez-vous une mobilisation contre la guerre nucléaire. Mais
dans un autre contexte, vous obtenez de la science-digne-de-Lysenko.
Dans un autre, vous obtenez l’euthanasie Nazie. Le danger est toujours présent
si vous orientez la science á des fins politiques.
C’est pourquoi il
est si important pour le futur de la science que la ligne entre ce que la
science affirme avec certitude, et ce qu’elle ne peut pas affirmer, soit
clairement définie et défendue.
Qu’est-il arrivé
à l’Hiver Nucléaire ? Au fur et à mesure que l’aura médiatique s’est
effacée, son scénario robuste est apparu de moins en moins convaincant ; John
Maddox, rédacteur en chef de la revue Nature,
critiqua ses affirmations à de multiples reprises ; dans l’année, Stephen
Schneider, l’une des figures principales dans la modélisation climatique,
commença à parler « d’automne nucléaire. » Ça ne sonnait plus pareil.
Un ultime
embarras médiatique arriva en 1991, quand Carl Sagan prédît sur Nightline que les incendies des puits de
pétrole du Koweït allaient produire un effet d’hiver nucléaire, causant
« une année sans été, » et menaçant les récoltes dans le monde
entier. Sagan souligna que ce résultat était tellement probable que « cela
devrait affecter les plans pour la guerre [en Irak]. » Rien de tout
cela ne s’est produit.
Quelles, alors,
ont été les leçons de l’Hiver Nucléaire ? Je pense que la leçon était
qu’avec un nom accrocheur, une position politique forte et une campagne
médiatique agressive, personne n’osera critiquer la science, et en un rien de
temps, une thèse résolument ténue sera établie comme un fait avéré. Après cela,
toute critique devient superflue. La guerre est déjà finie avant qu’un seul
coup de feu ait été tiré.
[…]
[La suite traite de la pseudo-science derrière la peur du réchauffement climatique, ce qui est intéressant mais pas directement pertinent avec le thème du blog, NdT]