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Son camarade, du genre moins imaginatif, était assis à cheval sur la longue boîte en forme de cercueil contenant les trois bombes atomiques, les nouvelles bombes qui continueraient à exploser indéfiniment et que jusqu’à présent personne n’avait vu utilisées sur le terrain. Jusque-là, le carolinum, leur composant essentiel, n’avait été testé qu’en quantités infinitésimales à l’intérieur de chambres en acier engoncées dans du plomb. Chap. II, section 3
La bombe produisit un flash aveuglant écarlate en plein vol, et tomba, formant une colonne de feu tournant en
spirale au milieu d’un tourbillon. Chap.
II, section 3
Appliqué à la
guerre cela signifiait que le pouvoir d’infliger un coup, le pouvoir de
détruire, augmentait continuellement. Il n’y avait aucune augmentation de la
capacité d’y échapper. N’importe quel type de défense passive, d’armure, de
fortifications, etc., était dépassé par cette augmentation fulgurante du côté
destructif. Chap. II, section 5
…les bombes
atomiques furent lancées sur les digues. Elles rendirent un puissant son de
tonnerre dans le ciel, et tombèrent tel Lucifer sur la gravure, laissant
derrière elles une traînée lumineuse dans le ciel. La nuit, qui avait été
pellucide et détaillée et riche en événements, semblait avoir disparu, pour
être remplacée tout d’un coup par un fond noir faisant ressortir ces terribles piliers de feu…
Peu après le coup de tonnerre vint une bourrasque
assourdissante, et le
ciel fut rempli de lumières clignotantes et de nuages se mouvant à grande
vitesse…
[…]
J’ai vu les
bombes tomber, puis j’ai regardé une vive lueur écarlate bondir en réponse à
chaque impact, et des masses
montagneuses de vapeur d’une teinte rouge et des morceaux de shrapnel voler
vers le zénith. Chap. II, section 8
Les bombes atomiques avaient réduit les problèmes
internationaux au rang de petits détails insignifiants. Quand nos esprits s’éloignaient des
préoccupations concernant nos besoins immédiats, on spéculait sur la
possibilité de mettre un terme à
l’utilisation de ces explosifs terrifiants avant que le monde ne soit
complètement annihilé. Parce qu’il nous semblait plutôt évident que ces
bombes ainsi que le pouvoir de destruction encore plus grand dont elles étaient
les précurseurs auraient pu facilement briser n’importe quelle relation ou
institution de l’humanité. Chap. II,
section 9
Il avait une
conviction limpide, que la guerre doit prendre fin, et que la seule façon de mettre un terme à la guerre est d’avoir un
gouvernement unique pour l’humanité entière. Chap. III, section 1
…la conférence
qui devait donner naissance à un nouvel
ordre dans le monde. Chap. III,
section 1
Les gouvernés feront montre de leur accord par le
silence. Chap. III, section 2
‘La science,’
s’écria le roi présentement, ‘est le nouveau roi du monde.’ Chap. III, section 3
Et maintenant, après
le choc des bombes atomiques, les masses de population qui s’étaient réunies jusque-là
dans les centres-villes miteux de cette période furent dépossédées et
éparpillées dans les zones rurales environnantes. C’était comme si une force brutale, devenue finalement impatiente à
cause de l’aveuglement des hommes, avait, avec l’intention délibérée de
réarranger les populations selon un modèle plus sain, fait trembler le monde.
Les grandes régions industrielles et les grandes villes qui avaient échappé aux
bombes étaient, du fait de leur effondrement économique complet, dans une
situation aussi catastrophique que celles qui brûlaient, et la campagne était
en désordre dû à une multitude d’étrangers errants sans foi ni loi.
C’est une chose
remarquable qu’aucun récit complet contemporain de l’explosion des bombes
atomiques n’existe.
Les phénomènes,
on doit le rappeler, changeaient grandement d’un jour à l’autre, et même d’une
heure à l’autre, au fur et à mesure que les bombes se déplaçaient, jetaient des
fragments ou entraient en contact avec l’eau ou un sol plus ou moins dur.
Barnet […] mentionne de massifs nuages
de vapeur. […] Il parle également du grondement
distant de l’explosion – ‘comme des trains passant sur des ponts en fer.’
…ils témoignent
tous d’un énorme nuage de vapeur.
…l’explosion incessante de la substance
radioactive.
Il y a des récits
de bouffées de vapeur lumineuse
radioactive se déplaçant parfois sur des dizaines de km depuis l’épicentre des
explosions et tuant et brûlant tout ce qu’elles recouvraient.
Sur la carte de
pratiquement chaque pays du monde figurent trois ou quatre cercles rouges,
d’une trentaine de km de diamètres, marquant la position des bombes atomiques
en désintégration et les zones mortes que les hommes ont été forcés
d’abandonner autour d’elles.
Chap. IV, section 3
Les radiations bouffent la peau des gens.
‘On m’a dit,’
expliqua Barnet, ‘que Paris ne sera pas susceptible d’être habitée avant
plusieurs générations.’
Chap. IV, section 4
La population fut incroyablement apprivoisée par
cette année de souffrance et de mort ; elle perdit les illusions héritées
de ses traditions, fut privée de préjudices jusque-là bien ancrés ; elle
se sentit aliénée dans un monde étrange, et prête à suivre n’importe quel
leader pourvu de confiance en soi.
Le système
capitaliste avait déjà éclaté au-delà de toute réparation possible par
l’avènement d’or et d’énergie sans limite ; il tomba en morceaux à la
première tentative de le remettre sur pieds.
Chap. IV, section 6
…le monde était
divisé en dix circonscriptions… [Apocalypse, quelqu’un…?] Chap. IV, section 9
La catastrophe des bombes atomiques qui décrocha
les hommes des villes, des affaires, et des relations économiques les décrocha
également des vieilles habitudes de pensée fermement établies, et des croyances
et préjudices ne reposant sur pas grand-chose et qu’ils tenaient du passé.
Le choc moral des
bombes atomiques avait été profond, et pendant un moment le côté rusé de
l’animal humain fut mis en sourdine par la réalisation sincère du besoin vital
de reconstruction.
Le nouveau gouvernement découvrit très tôt le
besoin d’une éducation universelle afin que les hommes correspondent aux
conceptions de son pouvoir universel.
‘…La philosophie,
les découvertes, l’art, tout talent, tout service rendu, l’amour : tels
sont les moyens pour échapper à l’étroite solitude du désir, cette préoccupation
menaçante du soi et des relations égoïstes, qui est l’enfer pour les individus,
la trahison pour la race, et l’exil de Dieu…’
Chap. IV, section 11
Le penseur
scientifique au fur et à mesure qu’il élargit les problèmes moraux à la vie
collective, tombe inévitablement sur les paroles du Christ, et tout aussi
inévitablement le Chrétien, au fur et à mesure que sa pensée s’éclaircit, en
arrive à la république mondiale. Chap. IV, section 12
‘Vous savez,
Monsieur, j’aime à penser – ces choses-là sont difficiles à prouver – que la
civilisation était sur le point de s’effondrer quand les bombes atomiques sont
venues la percuter, et que s’il n’y avait pas eu d’Holsten et pas de
radioactivité induite, le monde se serait planté à peu près comme il l’a fait.
Seulement au lieu qu’il se plante de telle manière à laisser la place à des
choses meilleures, il aurait pu se planter sans chance aucune de rémission.
Cela fait partie de mes occupations de comprendre l’économie, et de ce point de
vue le siècle précédent Holsten n’a été qu’un crescendo de gâchis. Seul
l’individualisme extrême de cette période, seul son manque absolu d’une
quelconque compréhension ou finalité collectives peuvent expliquer un tel
gâchis. L’humanité gaspillait des matériaux de manière insensée. Chap. V, section 5
‘Karenin ?’
demanda Rachel, ‘voulez-vous dire que les femmes doivent devenir des
hommes ?’
‘Les hommes et
les femmes doivent devenir des êtres humains.’
‘…Je me suis mis
à lire les vieux documents sur les mouvements pour l’émancipation des femmes
qui étaient à l’œuvre avant la découverte de la force atomique. Ces choses-là
qui commencèrent avec le souhait d’échapper aux limitations et la servitude du
sexe, finirent en une affirmation enflammée du sexe, et les femmes en héroïnes
plus que jamais.
Chap. V, section 7
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Tout le monde vante les talents de visionnaire de Verne, mais qu'en est-il d'H. G. Wells? Les bombes atomiques, les limites du féminisme, le NOM...? Il est temps qu'on le réhabilite!