Machiavel



Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes.

Machiavel

mardi 17 mai 2016

Lloyd Mallan sur les soi-disant ICBM soviétiques II

…nous discutions à l’origine de l’inefficacité des Missiles Sol-Air (MSA) fabriqués par les Russes et déployés au Nord Vietnam. Ces armes de défense aérienne suivent un « fil » invisible ou un rayon radar après que le rayon a été renvoyé par la surface d’un aéronef. À la fin 1965, plus de 150 MSA russes avaient été lancés contre des aéronefs américains : seuls neuf ont atteint leur cible. Le taux de « réussite » était encore pire à l’été 1966. Nos pilots avaient appris comment éviter les SMA en plongeant en-dessous d’eux lors de leur approche ou en volant bas vers une cible permettant de perturber le système de guidage radar – qui percevrait un tas d’objets dans le paysage et les confondrait avec les avions.
                Un exemple parfait de l’inefficacité des MSA soviétiques a eu lieu le 17 juin 1966. Trois F-100 Super Sabre de l’Armée de l’Air US attaquaient des cibles près de Vinh, à environ 260 km à l’intérieur du Vietnam Nord. Trois MSA furent lancés dans leur direction. Les pilotes des F-100 plongèrent sous les missiles soviétiques et, à l’aide du plus petit missile américain Bullpup GAM-83 – également un missile suivant un rayon, de l’air au sol – détruisirent les camions radar qui guidaient les MSA. Les missiles russes explosèrent sans faire de dégâts 300 m au-dessus des pilotes des F-100.
                Les MSA sont l’une des principales attractions des parades soviétiques lors des jours fériés depuis des années. L’agence de presse russe, TASS, en disait ceci : « Ils sont capables d’atteindre tous les types d’avions modernes volant à n’importe quelle altitude et à n’importe quelle vitesse. »
                Il faut ajouter que le F-100 Super Sabre, bien qu’il soit un bon engin, n’est plus considéré comme moderne par l’Armée de l’Air US. En fait, il est obsolète selon les standards actuels.
                Si l’Union Soviétique ne peut concevoir des MSA de courte portée avec une précision mortelle intégrée, comment peuvent-ils produire des ICBM de longue portée des centaines de fois plus difficiles à guider ?
                Historiquement, le MSA M-2 russe est en vérité le MSA « Rhine Maiden » [Vierge du Rhin] allemand. Les « concepteurs » soviétiques prirent simplement les schémas allemands datant des années 1940, et essayèrent de les moderniser afin de produire leurs MSA. Ils firent la même chose avec d’autres fusées qui avaient été conçues par des ingénieurs allemands forcés de travailler avec les nazis, y compris une conception rudimentaire pour un ICBM avec lequel Hitler espérait bombarder l’Amérique.
                Le nec plus ultra en termes de fusées a fait du chemin depuis le temps. Les soviétiques ont-ils suivi le rythme du progrès ? Dans une moindre mesure, cela reste possible. Dans une large mesure, ils n’auraient pas pu. Car ils attendent toujours qu’un autre pays, souvent les USA, ait produit un nouveau concept qui fait ses preuves – puis ils le copient, s’ils arrivent à mendier, acheter, ou voler les plans. À l’évidence, c’est la manière la meilleur marché de faire les choses : vous laissez une autre nation dépenser d’énormes sommes d’argent en R&D pour un nouveau produit – que ce soit un système d’armement militaire ou une automobile –  puis vous le récupérez.
                Un hic majeur dans le cas des systèmes d’armement est que les USA ne sont pas près de fournir les schémas d’ingénierie et les données techniques de ses derniers missiles et fusées spatiales. Cependant, suffisamment d’informations – photographies, diagrammes schématiques, et discussions – apparaissent ouvertement dans des revues sur les techniques aérospatiales pour donner aux Russes assez d’indices les pointant dans la bonne direction. Dans le pire des cas, ils peuvent copier les configurations externes des missiles américains. Ce qu’ils ont souvent fait pour mettre en avant des modèles d’expositions pour leurs parades. L’ICBM Minuteman en est un exemple. Le missile balistique Polaris en est un autre. Parfois ils copient les mauvaises choses, comme les missiles Redstone et Jupiter – tous deux obsolètes et éliminés du stock de l’armée US. Pourtant des versions mises à jour de ces deux derniers missiles ont été fièrement exhibées dans les rues de Moscou lors de la célébration du 1er mai 1965.
                En dépit de tout ceci, les Soviétiques ont réussi à bâtir un mythe indétrônable de supériorité en termes de puissance de missiles. Ils furent aidés dans l’établissement de ce mythe, dans une large mesure, par la presse américaine. À un moment, il n’y a pas si longtemps, la nouvelle la plus importante aux USA fut celle de « l’écart des missiles. » D’après cette information, qui atteint son paroxysme sous l’administration Eisenhower, les USA traînaient loin derrière la Russie en termes de puissance de missiles. L’écart était tellement prononcé, selon le journaliste de Washington Joseph Alsop, que l’URSS disposait de 500 ICBM avec de dévastatrices têtes thermonucléaires installés sur des rampes de lancement, leurs systèmes de guidage fixés sur des cibles aux États-Unis.
                L’histoire causa une telle peur que des enquêtes furent diligentées par le Congrès afin de déterminer ce que l’Amérique devait faire afin de  rattraper cet écart et prendre la tête de la puissance en termes de missiles avant qu’il ne soit trop tard. Des officiers militaires de haut rang furent forcés de s’éloigner de tâches importantes dans le but de témoigner dans ces commissions.
                Un écart de missiles en faveur des Russes ? Rien n’aurait pu être plus éloigné de la vérité. Il y a quelques années de ça j’ai eu l’occasion d’interviewer Mr. Oliver M. Gale par téléphone. Gale avait été Conseiller Spécial du Ministre de la Défense Thomas S. Gates, Jr. Je lui posai la question à propos du soi-disant « écart des missiles. » Voilà sa réponse :
                « Vous pouvez comprendre comment nous nous sommes sentis au Ministère de la Défense quand les journalistes défaitistes racontaient que l’URSS avait 500 ICBM prêt à nous tomber dessus – quand nous savions que nos U-2 ne pouvaient trouver aucune base de missiles. Et ils survolaient souvent la Russie. »
[…]
                Il n’y a par conséquent pas eu « d’écart de missiles. » Tout du moins pas d’écart en faveur des Russes. Alors comment ont-ils réussi á convaincre le monde – la presse américaine, le public, et le Congrès inclus – de leur géniale supériorité dans ce domaine ? La chronologie expliquant comment on en est arrivé là est fascinante.

[…]

[Les passages en gras sont le fait du traducteur]